La légende de Saint-Nicolas
© Marie-Claire DESMETTE
Il était trois petits enfants
Qui s’en allaient glaner aux champs
Lorsque les gerbes étaient dressées en diseaux, les enfants et les vieux avaient le droit de ramasser les épis restés sur le champ.
Tant sont allés, tant sont venus
nous glanions, un peu; nous jouions, beaucoup
Que sur le soir se sont perdus
les pauvres petits, pas difficile de se mettre dans leur peau ! Chance, une lumière !
S’en sont allés chez le boucher
Boucher, voudrais-tu nous loger ?
Entrez, entrez, petits enfants,
Il y a de la place assurément.
Le boucher vit-il seul ? Seul pour abattre, nettoyer, découper, vendre ?
Ils n’étaient pas sitôt entrés
Que le boucher les a tués
Les a coupés en p’tits morceaux
Mis au saloir comme pourceaux
Le boucher est-il anthropophage ? A-t-il des clients cannibales ? Qu’a-t-il fait des vêtements ?
Les parents ont-ils désespérément cherché leurs enfants ? Quelqu’un a-t-il vu quelque chose ? Le boucher est-il craint ?
Saint Nicolas au bout de sept ans
Vint à passer dedans ce champ
Sept ans. La suite de l’histoire nous apprend que le boucher n’a pas touché au saloir. Remords, crainte, Comment s’est-il arrangé pour que ce saloir échappe à la vue de tout le monde ? Avait-il des cauchemars qui inquiétaient sa femme ? A-t-il dépéri ?
Alla frapper chez le boucher
Boucher, voudrais-tu me loger ?
Entrez, entrez, Saint Nicolas,
Il y a de la place, il n’en manque pas.
Canonisé de son vivant par la voix populaire ?
Cela ne devait sans doute pas faire l’affaire de sa douceur et de son humilité. A moins que cela se passe après sa mort. La réaction du boucher ne fait pas penser à une apparition.
Il ne fut pas sitôt entré
Qu’il a demandé à souper
(le boucher lui propose une série de mets)
Du p’tit salé je veux avoir
Qui a sept ans qu’est au saloir
Quand le boucher entendit ça
Hors de la porte il s’enfuya
Le temps avait sans doute fait son oeuvre, ses remords s’étaient émoussés, le saloir devait être loin de sa vue et “oublié” depuis un temps et voilà que cela lui retombe dessus !
Boucher, boucher, ne t’enfuis pas
Repens-toi, Dieu te pardonnera
Il ne demande que cela, le boucher. Pouvoir parler de ce qui est revenu à sa conscience..
Et le saint étendit trois doigts
Les enfants se lèvent tous les trois
Dans les représentations populaires, les enfants sont à moitié sortis du saloir, ils ne pourraient pas y être contenus. Saint Nicolas a sans doute dû les compléter. Les enfants n’avaient probablement pas grandi pendant tout ce temps. Comment l’auraient-ils pu ? Le boucher va rechercher les vêtements qu’il avait soigneusement cachés ? Saint Nicolas leur donne de beaux habits ? Tant qu’à faire ! A propos de vêtements, les images d’Epinal montrent St-Nicolas avec mitre et crosse. Voyageait-il dans cet équipage ? A-t-il voulu impressionner le boucher ?
Le premier dit: J’ai bien dormi
Le second dit: Et moi aussi
A ajouté le tout petit:
Je croyais être en Paradis.
Les enfants ont-ils bien mangé à la table du boucher, en compagnie de Saint Nicolas ?
Le saint les a-t-il reconduits chez leur parents ? Qu’ont pensé ceux-ci de les voir revenir comme ils étaient il y a sept ans ? Saint Nicolas a-t-il trouvé une explication satisfaisante ? Ou les a-t-il disposés comme un cadeau venu du ciel et est-il reparti sans bruit comme le fait notre Saint Nicolas ?
Le texte en gras est celui d’une chanson enfantine, d’après mes souvenirs.
Le texte en italique rapporte mes réflexions et mes questions, (M-Cl D.)