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| | Poésies de Paul Verlaine. | |
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Solène Invité
| Sujet: Poésies de Paul Verlaine. Ven 5 Aoû - 9:56 | |
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A Albert Mérat
Et nous voilà très doux à la bêtise humaine, Lui pardonnant vraiment et même un peu touchés De sa candeur extrême et des torts très légers, Dans le fond, qu'elle assume et du train qu'elle mène.
Pauvres gens que les gens ! Mourir pour Célimène, Epouser Angélique ou venir de nuit chez Agnès et la briser, et tous les sots péchés, Tel est l'Amour encor plus faible que la Haine !
L'Ambition, l'orgueil, des tours dont vous tombez, Le Vin, qui vous imbibe et vous tord imbibés, L'Argent, le Jeu, le Crime, un tas de pauvres crimes !
C'est pourquoi, mon très cher Mérat, Mérat et moi, Nous étant dépouillés de tout banal émoi, Vivons dans un dandysme épris des seules Rimes !
Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Jadis et naguère)
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| | | Solène Invité
| Sujet: Re: Poésies de Paul Verlaine. Ven 5 Aoû - 9:57 | |
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A la louange de Laure et de Pétrarque
Chose italienne où Shakspeare a passé Mais que Ronsard fit superbement française, Fine basilique au large diocèse, Saint-Pierre-des-Vers, immense et condensé,
Elle, ta marraine, et Lui qui t'a pensé, Dogme entier toujours debout sous l'exégèse Même edmondschéresque ou francisquesarceyse, Sonnet, force acquise et trésor amassé,
Ceux-là sont très bons et toujours vénérables, Ayant procuré leur luxe aux misérables Et l'or fou qui sied aux pauvres glorieux,
Aux poètes fiers comme les gueux d'Espagne, Aux vierges qu'exalte un rhythme exact, aux yeux Epris d'ordre, aux coeurs qu'un voeu chaste accompagne.
Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Jadis et naguère)
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| | | Solène Invité
| Sujet: Re: Poésies de Paul Verlaine. Ven 5 Aoû - 9:58 | |
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A la promenade
Le ciel si pâle et les arbres si grêles Semblent sourire à nos costumes clairs Qui vont flottant légers avec des airs De nonchalance et des mouvements d'ailes.
Et le vent doux ride l'humble bassin, Et la lueur du soleil qu'atténue L'ombre des bas tilleuls de l'avenue Nous parvient bleue et mourante à dessein.
Trompeurs exquis et coquettes charmantes, Coeurs tendres mais affranchis du serment, Nous devisons délicieusement, Et les amants lutinent les amantes De qui la main imperceptible sait Parfois donner un souffle qu'on échange Contre un baiser sur l'extrême phalange Du petit doigt, et comme la chose est Immensément excessive et farouche, On est puni par un regard très sec, Lequel contraste, au demeurant, avec La moue assez clémente de la bouche.
même auteur
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| | | Solène Invité
| Sujet: Re: Poésies de Paul Verlaine. Ven 5 Aoû - 9:59 | |
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A George Verlaine Ce livre ira vers toi comme celui d'Ovide S'en alla vers la Ville. Il fut chassé de Rome ; un coup bien plus perfide Loin de mon fils m'exile.
Te reverrai-je ? Et quel ? Mais quoi ! moi mort ou non, Voici mon testament : Crains Dieu, ne hais personne, et porte bien ton nom Qui fut porté dûment
Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Amour)
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| | | Solène Invité
| Sujet: Re: Poésies de Paul Verlaine. Ven 5 Aoû - 10:00 | |
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A une femme
A vous ces vers de par la grâce consolante De vos grands yeux où rit et pleure un rêve doux, De par votre âme pure et toute bonne, à vous Ces vers du fond de ma détresse violente.
C'est qu'hélas ! le hideux cauchemar qui me hante N'a pas de trêve et va furieux, fou, jaloux, Se multipliant comme un cortège de loups Et se pendant après mon sort qu'il ensanglante !
Oh ! je souffre, je souffre affreusement, si bien Que le gémissement premier du premier homme Chassé d'Eden n'est qu'une églogue au prix du mien !
Et les soucis que vous pouvez avoir sont comme Des hirondelles sur un ciel d'après-midi, - Chère, - par un beau jour de septembre attiédi.
Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Poèmes saturniens)
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| | | Solène Invité
| Sujet: Re: Poésies de Paul Verlaine. Ven 5 Aoû - 10:01 | |
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L'ETERNELLE CHANSON
Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous. Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux.
J'arrive tout couvert encore de rosée Que le vent du matin vient glacer à mon front. Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée Rêve des chers instants qui la délasseront.
Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête Toute sonore encore de vos derniers baisers; Laissez-la s'apaiser de la bonne tempête, Et que je dorme un peu puisque vous reposez.
Paul Verlaine
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| | | Solène Invité
| Sujet: Re: Poésies de Paul Verlaine. Ven 5 Aoû - 10:04 | |
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A Clymène
Mystiques barcarolles, Romances sans paroles, Chère, puisque tes yeux, Couleur des cieux,
Puisque ta voix, étrange Vision qui dérange Et trouble l'horizon De ma raison,
Puisque l'arôme insigne De ta pâleur de cygne Et puisque la candeur De ton odeur,
Ah ! puisque tout ton être, Musique qui pénètre, Nimbes d'anges défunts, Tons et parfums,
A, sur d'almes cadences En ses correspondances Induit mon coeur subtil, Ainsi soit-il !
Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Fêtes galantes)
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| | | Solène Invité
| Sujet: Re: Poésies de Paul Verlaine. Ven 5 Aoû - 10:08 | |
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A Charles Baudelaire
Je ne t'ai pas connu, je ne t'ai pas aimé, Je ne te connais point et je t'aime encor moins : Je me chargerais mal de ton nom diffamé, Et si j'ai quelque droit d'être entre tes témoins,
C'est que, d'abord, et c'est qu'ailleurs, vers les Pieds joints D'abord par les clous froids, puis par l'élan pâmé Des femmes de péché - desquelles ô tant oints, Tant baisés, chrême fol et baiser affamé ! -
Tu tombas, tu prias, comme moi, comme toutes Les âmes que la faim et la soif sur les routes Poussaient belles d'espoir au Calvaire touché !
- Calvaire juste et vrai, Calvaire où, donc, ces doutes, Ci, çà, grimaces, art, pleurent de leurs déroutes. Hein ? mourir simplement, nous, hommes de péché.
Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Liturgies intimes)
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| | | Solène Invité
| Sujet: Re: Poésies de Paul Verlaine. Ven 5 Aoû - 10:11 | |
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A Horatio
Ami, le temps n'est plus des guitares, des plumes, Des créanciers, des duels hilares à propos De rien, des cabarets, des pipes aux chapeaux Et de cette gaîté banale où nous nous plûmes.
Voici venir, ami très tendre qui t'allumes Au moindre dé pipé, mon doux briseur de pots, Horatio, terreur et gloire des tripots, Cher diseur de jurons à remplir cent volumes,
Voici venir parmi les brumes d'Elseneur Quelque chose de moins plaisant, sur mon honneur, Qu'Ophélia, l'enfant aimable qui s'étonne,
C'est le spectre, le spectre impérieux ! Sa main Montre un but et son oeil éclaire et son pied tonne, Hélas ! et nul moyen de remettre à demain !
Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Jadis et naguère)
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| | | Solène Invité
| Sujet: Re: Poésies de Paul Verlaine. Ven 5 Aoû - 10:16 | |
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A la manière de Paul Verlaine
C'est à cause du clair de la lune Que j'assume ce masque nocturne Et de Saturne penchant son urne Et de ces lunes l'une après l'une.
Des romances sans paroles ont, D'un accord discord ensemble et frais, Agacé ce coeur fadasse exprès, Ô le son, le frisson qu'elles ont !
Il n'est pas que vous n'ayez fait grâce A quelqu'un qui vous jetait l'offense : Or, moi, je pardonne à mon enfance Revenant fardée et non sans grâce.
Je pardonne à ce mensonge-là En faveur en somme du plaisir Très banal drôlement qu'un loisir Douloureux un peu m'inocula.
Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Parallèlement)
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| | | Solène Invité
| Sujet: Re: Poésies de Paul Verlaine. Ven 5 Aoû - 10:20 | |
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A Madame X...
En lui envoyant une pensée
Au temps où vous m'aimiez (bien sûr ?), Vous m'envoyâtes, fraîche éclose, Une chère petite rose, Frais emblème, message pur.
Elle disait en son langage Les " serments du premier amour ", Votre coeur à moi pour toujours Et toutes les choses d'usage.
Trois ans sont passés. Nous voilà ! Mais moi j'ai gardé la mémoire De votre rose, et c'est ma gloire De penser encore à cela.
Hélas ! si j'ai la souvenance, Je n'ai plus la fleur, ni le coeur ! Elle est aux quatre vents, la fleur. Le coeur ? mais, voici que j'y pense,
Fut-il mien jamais ? entre nous ? Moi, le mien bat toujours de même, Il est toujours simple. Un emblème A mon tour. Dites, voulez-vous
Que, tout pesé, je vous envoie, Triste sélam, mais c'est ainsi, Cette pauvre négresse-ci ? Elle n'est pas couleur de joie,
Mais elle est couleur de mon coeur ; Je l'ai cueillie à quelque fente Du pavé captif que j'arpente En ce lieu de juste douleur.
A-t-elle besoin d'autres preuves ? Acceptez-la pour le plaisir. J'ai tant fait que de la cueillir, Et c'est presque une fleur-des-veuves.
Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Amour)
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| | | Solène Invité
| Sujet: Re: Poésies de Paul Verlaine. Ven 5 Aoû - 10:27 | |
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A la princesse Roukhine
C'est une laide de Boucher Sans poudre dans sa chevelure Follement blonde et d'une allure Vénuste à tous nous débaucher.
Mais je la crois mienne entre tous, Cette crinière tant baisée, Cette cascatelle embrasée Qui m'allume par tous les bouts.
Elle est à moi bien plus encor Comme une flamboyante enceinte Aux entours de la porte sainte, L'alme, la dive toison d'or !
Et qui pourrait dire ce corps Sinon moi, son chantre et son prêtre, Et son esclave humble et son maître Qui s'en damnerait sans remords,
Son cher corps rare, harmonieux, Suave, blanc comme une rose Blanche, blanc de lait pur, et rose Comme un lys sous de pourpres cieux ?
Cuisses belles, seins redressants, Le dos, les reins, le ventre, fête Pour les yeux et les mains en quête Et pour la bouche et tous les sens ?
Mignonne, allons voir si ton lit A toujours sous le rideau rouge L'oreiller sorcier qui tant bouge Et les draps fous. Ô vers ton lit !
Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Parallèlement)
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| | | Solène Invité
| Sujet: Re: Poésies de Paul Verlaine. Ven 5 Aoû - 10:29 | |
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A poor young shepherd
J'ai peur d'un baiser Comme d'une abeille. Je souffre et je veille Sans me reposer : J'ai peur d'un baiser !
Pourtant j'aime Kate Et ses yeux jolis. Elle est délicate, Aux longs traits pâlis. Oh ! que j'aime Kate !
C'est Saint-Valentin ! Je dois et je n'ose Lui dire au matin... La terrible chose Que Saint-Valentin !
Elle m'est promise, Fort heureusement ! Mais quelle entreprise Que d'être un amant Près d'une promise !
J'ai peur d'un baiser Comme d'une abeille. Je souffre et je veille Sans me reposer : J'ai peur d'un baiser !
Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Romances sans paroles)
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| | | Solène Invité
| Sujet: Re: Poésies de Paul Verlaine. Ven 5 Aoû - 10:32 | |
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A un passant
Mon cher enfant que j'ai vu dans ma vie errante, Mon cher enfant, que, mon Dieu, tu me recueillis, Moi-même pauvre ainsi que toi, purs comme lys, Mon cher enfant que j'ai vu dans ma vie errante !
Et beau comme notre âme pure et transparente, Mon cher enfant, grande vertu de moi, la rente, De mon effort de charité, nous, fleurs de lys ! On te dit mort... Mort ou vivant, sois ma mémoire !
Et qu'on ne hurle donc plus que c'est de la gloire Que je m'occupe, fou qu'il fallut et qu'il faut... Petit ! mort ou vivant, qui fis vibrer mes fibres,
Quoi qu'en aient dit et dit tels imbéciles noirs Compagnon qui ressuscitas les saints espoirs, Va donc, vivant ou mort, dans les espaces libres !
Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Dédicaces)
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